Armen LUBIN
Chahan Chahnour – Շահան Շահնուր – fut le nom de plume sous lequel Chahnour Kerestedjian, né en 1903 à Istanbul, venu en France en 1923 et mort en 1974 à Saint-Raphaël, écrivit ses nouvelles et romans en langue arménienne. Mais c’est exclusivement en langue française et sous le pseudonyme d’Armen Lubin qu’à partir de 1945, il écrivit et publia une œuvre poétique à laquelle il doit de compter parmi les poètes français importants du 20ème siècle.
Il eut l’existence difficile de l’exilé privé d’une patrie martyrisée. À ce titre, il est probable que son œuvre arménienne en prose fut en partie inspirée par le souci, plus ou moins conscient, de maintenir un lien entre les naufragés de la nouvelle diaspora, tandis que sa poésie, en français, l’insérait dans son pays d’adoption. Insertion forcément incomplète d’ailleurs, car malgré sa parfaite maîtrise intellectuelle du français, ses poèmes semblent traduire un relatif inconfort dans cette langue dont il se sentait « le passager clandestin » et qu’il habitait en une suite de « logis provisoires ». C’était l’image même de sa vraie vie, entre les pauvres hôtels de Montparnasse, et, une fois venue la terrible maladie – une ostéolyse invalidante – accompagnée d’une misère totale, les hôpitaux de Paris et de Pau, les sanatoriums du Sud-Ouest et enfin le Foyer arménien de Saint-Raphaël.
Devant les poèmes d’Armen Lubin, le lecteur peut avoir d’abord à se défendre d’un léger malaise : pourquoi lui semblent-ils si étrangement désaccordés, avec un rien de gaucherie et d’hésitation ? Que ce lecteur prenne ici la bonne clé, celle de la douleur d’être : elle lui livrera, mêlé aussi d’émotion et d’un sourire amer, ce que cette poésie, qui jamais ne pose, recèle de profonde humanité.
Paul FARELLIER
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Éléments de bibliographie
Œuvres en français
Le Passager clandestin, Gallimard, 1946.
Sainte Patience, Gallimard, 1951.
Transfert nocturne, Gallimard, 1955.
Les Hautes Terrasses, Gallimard, 1957.
Feux contre feux, Grasset, 1968.
Les Logis provisoires, Rougerie, 1983.
Le Passager clandestin – Sainte Patience – Les Hautes Terrasses et autres poèmes, préface de Jacques Réda, coll. Poésie/Gallimard, 2005.
La retraite sans fanfare. Histoire illustrée des Arméniens…, 1929 (trad. française, L’Act Mem, 2009).
Œuvres en arménien
Nahantche Arantz Yerki (La Retraite sans chanson), Impr. Massis, Paris, 1929.
Haraléznérou Tavadjanoutioune (La Trahison des dieux Alèzes), Impr. Der Hagopian, Paris, 1933.
Tertis Guiragnoria Tive (Le Numéro de dimanche de mon journal), Impr. Sévan, Beyrouth, 1958.
Yerguère (Œuvres), éd. d’État de l’Arménie soviétique, Yérévan, 1962.
Zouïk me garmir dedragnère (Une paire de cahiers rouges), éd. de la revue Chirak, Beyrouth, 1967.
Azaden Gomidas (Gomidas le libre), Haratch, Paris 1970.
Pats domare (Registre ouvert), Haratch, Paris, 1971.
Grague goghkis (Le Feu à mon flanc), Haratch, 1973.
À consulter :
Philippe Jaccottet : L’Entretien des Muses, Gallimard, 1968, pages 149 à 157
Yves Leclair : Armen Lubin ou l’étranger en souffrance in L’École des lettres (lycée) n°3, éditions L’École des loisirs, Paris, 15 octobre 1990.
Entretiens du Polyèdre : Armen Lubin, l’Étranger – Études n° 311, 1969. Avec la participation de J. Follain, J. de Bourbon-Busset, P. Reumaux, A. Dhôtel, J. Mambrino.
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
|
|
|
Dossier : Jacques LACARRIERE & les poètes grecs contemporains n° 40 | Dossier : Daniel VAROUJAN & le poème de l'Arménie n° 58 |